Profond - Brigitte Fontaine
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Profond, profond jusqu'aux enfers
Nous nous mêlons rivière et mer
Fondus comme l'argent et l'or
Je t'adore dedans, dehors
Tu es mon bourreau, ma victime
Nuit de noces, maison du crime
Tu es mon terrible tyran
Et mon naïf petit enfant
Nous avons connu des merveilles
Des dragons et des nuits de veille
Nous avons connu mille morts
Et résurrections à l'aurore
Dans ta chair compacte et si bonne
Au chaud parfum de cardamome
Je me blottis et je frissonne
Comme un chat trouvé qui ronronne
Je ne sais pas pourquoi tu m'aimes
Et pourquoi moi, la milliardième
Ce qu'il y a de moi à toi
Quel trésor tu peux voir en moi
Nous avons connu des merveilles
Des dragons et des nuits de veille
Nous avons connu mille morts
Et résurrections à l'aurore
Parfois j'oublie jusqu'à ton nom
Tu es un meuble, un bruit de fond
Puis, tu te dresses scintillant
Vainqueur comme un soleil levant
Souvent mon cœur pleure et se hait
Pour tout le mal que je t'ai fait
Puis je deviens sauvage et dure
Au souvenir de mes tortures
Nous avons connu des merveilles
Des dragons et des nuits de veille
Nous avons connu mille morts
Et résurrections à l'aurore
Quelquefois la fusion exquise
D'un frôlement comme une brise
Est si forte que je pourrais
M'évanouir si je voulais
Mais j'aime mieux goûter encore
Tous les prodiges de ton corps
Me noyer dans la griserie
Qui fait que pour toujours je ris
Jamais d'autre que toi
Robert Desnos - Jamais d'autre que toi
Jamais d'autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes
En dépit des mutilations d'arbre à la tombée de la nuit
Jamais d'autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien
Plus tu t'éloignes et plus ton ombre s'agrandit
Jamais d'autre que toi ne saluera la mer à l'aube quand fatigué d'errer
moi sorti des forêts ténébreuses et des buissons d'orties je marcherai
vers l'écume
Jamais d'autre que toi ne posera sa main sur mon front et mes yeux
Jamais d'autre que toi et je nie le mensonge et l'infidélité
Ce navire à l'ancre tu peux couper sa corde
Jamais d'autre que toi
L'aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés
Quelle évasion !
C'est le dimanche marqué par le chant des rossignols dans les bois d'un
vert tendre l'ennui des petites filles en présence d'une cage où s'agite
un serin tandis que dans la rue solitaire le soleil lentement déplace
sa ligne mince sur le trottoir chaud
Nous passerons d'autres lignes
Jamais jamais d'autre que toi
Et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue seul comme le verre
Et toi jamais d'autre que toi
La vie à deux, selon B/B/
La vie à deux c'est tes seins dans mes mains
c'est ton sexe dans ma bouche
c'est mon sexe dans le tien
c'est jouir à en faire trembler les murs
c'est se mordre les lèvres jusqu'au sang
c'est se frotter les yeux dans les tiens
c'est se pencher par la fenêtre et voir la foule des sentiments qui hurle à l'amour
c'est donner et enfin recevoir
c'est l'ivresse d'être regardé et d'être enfin compris
c'est jouer à qui mieux mieux
à qui mieux que toi sait me sortir du mauvais rêve de la solitude
c'est me perdre dans tes bras comme un bateau lève l'ancre
c'est me trouver dans ton regard troublé à l'encre bleue de mes yeux
c'est plus d'ombre au tableau de l'avenir
c'est tes rires comme des cris de mouette qui balaient l'océan
c'est ta main dans la mienne qui me guide vers l'horizon
c'est te regarder dormir comme un nouveau né
c'est renaître à soi-même et à autrui
c'est tes baisers allumant comme des petits brasiers dans mon ventre
c'est tes cheveux en boucle qui dégoulinent sur mon visage
c'est une balle logée en plein cœur de la cible de la carte du Tendre
c'est larguer les amarres direction le désir vertical
c'est combler le vide par lequel s'engouffrait le vent fiévreux de l'incomplétude
c'est cette bouteille jetée à la mer enfin arrivée à destination
c'est ta langue qui décachette l'enveloppe de mon désir
c'est sentir le fardeau des angoisses lâcher prise
c'est ta chair à perte de vue
c'est ta voix qui chante le temps du lilas et de la rose offerte
c'est ta main dans ma braguette
c'est manger à satiété
c'est étancher une soif supposée inextinguible
c'est laver la vaisselle sale du passé
c'est agrafer mon corps à ce corps que je fais mien
c'est retrouver une dignité
la dignité de qui se sent aimé
c'est partager le pain du quotidien
c'est l'hostie de la foi en la vie retrouvée
et c'est être adoubé.
La source est là, et elle est belle.